Même les plus facétieux comme Max Jacob ressentent ce lien charnel qui les unit à la Butte. Clown de génie, toujours à la recherche de quelque mécène, il multiplie les quatrains et les sonnets pour payer « en monnaie de singe » les tenanciers des troquets qui l’invitent.
Son œuvre a plus de force qu’on aurait pu penser. Le moindre de ses poèmes bouleverse les idées reçues et dérange l’ordre établi. Sous ses grimaces, Max Jacob est un grand penseur. Ne disait-il pas de lui : « Le fond de mon ventre est un opéra-comique » ?
"Il avait le vice du dévouement et ses amis lui doivent bien souvent la grâce qu’ils croient avoir." Francis Carco
Généreux, brillant, charmant, amuseur public... Tel est le visage public du poète et du peintre Max Jacob, dont les nombreuses œuvres sont bien oubliées aujourd’hui. Il n’est pas très fort pour se venir en aide à lui-même, mais vole au secours de ses amis démunis. Difficile de l’éviter à Montmartre dans les années 1900. Le premier à bénéficier de son dévouement est Picasso, qui le fascine par sa personnalité (de plus, Jacob préfère les hommes aux femmes) et son art.
La face cachée du poète, c’est sa jalousie et sa susceptibilité excessives, qui font de lui un écorché vif, par exemple lorsque Picasso et Apollinaire commence à être connus et s’éloignent de lui, ou encore lorsqu’il accusera des surréalistes d’avoir copié ses poèmes.
Max Alexandre naît à Quimper en 1876 rue Saint-François. Il adopte en 1888 le nom de sa mère, Jacob. Ses parents sont juifs, tailleurs et antiquaires. À l’école, il est "le juif". Il vient à Paris en 1895 suivre les cours de l’Ecole coloniale, et la quitte deux ans plus tard. Il devient critique d’art pour Le Moniteur des arts en 1898. En 1902, on le retrouve boulevard Voltaire avec Picasso, qu’il a rencontré un an plus tôt lors d’une exposition à la galerie Vollard, 6 rue Laffitte. Picasso peint la nuit et dort le jour, pendant que Max court les rues en quête de petits boulots (aide menuisier, manutentionnaire à l’Entrepôt Voltaire, précepteur..) ou pour tenter de placer les œuvres de l’artiste chez un marchand de tableaux. Il faut bien : il n’y a qu’un seul lit dans l’appartement ! Entre 1907 et 1911, Max habite un réduit sombre 7 rue Ravignan, au fond de la cour, où il reçoit chaque lundi une clientèle qui vient écouter la bonne aventure ou simplement lui acheter des paroles réconfortantes ou spirituelles. Car c’est là qu’en 1909 il est saisi par une apparition divine. Vision due à l’éther, dont le poète abuse ? Quoi qu’il en soit, Jésus et la vierge Marie lui apparaîtront encore, et Max est baptisé en 1915. Son parrain est Picasso. Il séjourne au Bateau-Lavoir en 1911, dans l’atelier occupé auparavant par Mac Orlan (peintre à ses heures, lui aussi). Il vit ensuite 17 rue Gabrielle, dans des conditions toujours très précaires. Réformé, il ne participe pas à la guerre. De la rue Gabrielle, il collecte et rediffuse des nouvelles des artistes et écrivains partis au front. Désirant s’éloigner d’une vie parisienne à ses yeux bien déréglée, il se retire une première fois dans l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, entre 1921 et 1927. De retour à Paris en 1927 pour retrouver l’agitation de la capitale et s’occuper à faire éditer ses poèmes et vendre ses toiles, il se fixe en 1928 à l’hôtel Nollet, 55 rue Nollet. En 1936, il s’établit définitivement à Saint-Benoît, 63 rue Orléanaise. Parmi les différents lieux qu’il fréquente, Max est un fidèle des mardis de Paul Fort à La Closerie des lilas, 71 bd du Montparnasse, à partir de 1905 ; on le voit également 27 rue Fleurus, chez Gertrude Stein, ou encore au Bœuf sur le toit, 28 rue Boissy d’Anglas.
Le 24 février 1944, à 11 heures du matin 1944, la gestapo, pour qui Jacob est toujours juif, le trouve à Saint-Benoît détenu quatre jours à la prison militaire d’Orléans. Transféré au camp de Drancy le 28 février, le 5 mars il meurt d’une broncho-pneumonie.
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