mardi 8 novembre 2011

Alphonse Daudet Dans Ses Contes Du Lundi : La Commune

 « Dans une boutique de savetier, un officier de la garde nationale, galonné jusqu’aux coudes et le sabre aux côtés ressemelant une paire de bottes, son tablier de cuir devant lui pour ne pas salir sa tunique. Tout le tableau de Montmartre insurgé dans l’encadrement de cette fenêtre d’échoppe » rue Lepic, à deux pas de ce passage de l’Elysée-des-Beaux-Arts où une quinzaine d’années auparavant  le jeune Alphonse avait vécu. « Ce grand village armé jusqu’aux dents, des mitrailleuses au bord d’un abreuvoir, les boîtes à mitrailles à côté des boîtes à lait, des crosses de fusil sonnant au fond des petites boutiques de fripiers et, du haut en bas de la Butte, une dégringolade de bidons, de sabres, de gamelles. Malgré tout ce n’est plus ce Montmartre farouche, défilant sur le boulevard des Italiens, l’arme haute, la jugulaire au menton et marquant férocement le pas en ayant l’air de dire : « Tenons-nous bien. La réaction nous regarde ! »
 « Ici les insurgés sont chez eux, et, en dépit des canons et des barricades, on sent placer sur leur révolte je ne sais quoi de libre, de paisible et de familial. Une seule chose pénible à voir, c’est le grouillement en pantalons rouges, ces déserteurs de toutes armes ; zouaves, lignards, mobiles, qui encombrent la place de la Mairie, couchés sur des bancs, vautrés au long des trottoirs, ivres, échappés de jardins verts et de pentes jaunâtres, c’est le Moulin de la Galette transformé en poste militaire…tout cela se détachant net et fin…entre un ciel pluvieux et noir et l’ocre étincelant de la Butte »
Léon Daudet raconte Clemenceau, lors d’un dîner chez Mme de Luynes racontant ou plutôt revivant la tuerie du 18 mars, dont il rendait d’ailleurs Thiers responsable.
 « Il se revoyait, lui, Clemenceau, courant ça et là, appelé rue des Rosiers, où des bougres en uniforme, la crosse en l’air, des déserteurs aux faces patibulaires, avaient enfermé les deux généraux, lui, Clemenceau hué, conspué, bousculé, menacé de près, emporté par une houle furieuse, au milieu des hurlements : « Fous le camp, salaud, on veut plus de toi !…Au poteau, le Clemenceau ! Vas retrouver tes putains, sale bourgeois ! …Vive la Commune ! A mort ! A mort ! » Puis soudain une rumeur avait couru, atroce et joyeuse : « Ils y sont ! C’est fait ! Ils sont crevés ; Lecomte a eu peur. » Une fille, retroussait ses jupes, montrant ses cuisses maigres, dansait de joie à la pensée qu’ils étaient « butés » y a du sang plein le jardin. Viens voir…Ca leur apprendra » Puis le chant de la Carmagnole… Clemenceau commenta : la Commune, ce n’en est pas moins la Révolution »
Vallès raconte une scène qui se passe boulevard Rochechouart :
« C’est un gamin, m’a-t-on conté qui, dans cet après-midi du 18 mars, arrêta son père devant un promeneur en paletot gris, se faufilant dans la cohue, et dit : « Papa, c’est-il pas ce monsieur là que tu nous as montré l’autre jour, celui qui a dit que les gardes nationaux c’était tout de la canaille et des pochards ? » Le père eut un frisson, regarda l’homme…et Clément Thomas fut pris. Personne parmi ceux qui ont un nom ou un grade n’a donné un ordre, fait un geste ; c’est un enfant qui a parlé. Une tête blonde Et tout ce monde en cheveux blonds, en cheveux blancs, en avait assez de sentir toujours au-dessus de sa tête l’épée des officiers, le moutard comme les autres. »

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