mardi 8 novembre 2011

La Commune A Montmartre

C’est à Montmartre que la Commune commence quand, dans la matinée du 18 mars 1871, les habitants du quartier empêchent les soldats du 88è de ligne de s’emparer des canons que des bandes d’hommes et de femmes étaient allées prendre quelques jours plus tôt place Wagram, pour empêcher qu’on les livrât aux Prussiens et qu’elles avaient hissé jusqu’au sommet de la Butte. Les soldats passent aux insurgés. Leur chef, le général Lecomte, est fusillé en compagnie du général Clément Thomas dont on n’a pas oublié la rigueur pendant les journées de juin et qui a été reconnu et arrêté boulevard Rochechouart. Montmartre éclipse soudain la gloire des grands quartiers révolutionnaires, celle de Belleville et celle du cloître Saint-Merri. Voilà que Montmartre commence d’exister.
Montmartre sert d’observatoire.  De petits ballons captifs s’élèvent depuis la place Saint-Pierre pour surveiller l’ennemi. C’est de là que s’envole Gambetta à bord de l’Armand Barbès pour aller organiser en province la défense nationale.
Les clubs révolutionnaires se multiplient. A Montmartre, le plus célèbre sera le Comité de vigilance des citoyennes de Montmartre, qui comptait trois révolutionnaires de marque, Andrée Léo, Paule Mink et la célèbre Louise Michel.
Si l’insurrection débute à Montmartre, c’est à Montmartre aussi qu’elle agonise, autour des barricades qu’un bataillon de femmes, commandé par Louise Michel, a dressé place Blanche et place Pigalle. Bien plus, c’est dans le cadre de certains établissements les plus courus que se passent quelques-uns de ces évènements.
Du même coup, les hommes ont changé de visage. Au lieu de ce peuple répugnant dont la laideur et la saleté soulèvent le cœur et offensent les narines de ceux-là même qui ont pour lui le plus d’amitié et de pitié, au lieu de ce peuple honteux de lui-même et résigné à sa propre dégradation, un peuple héroïque et fier dont la plupart des contemporains, les adversaires eux-même, en dehors des bourreaux, de quelques soudards et d’un certain nombre d’imbéciles, salueront le courage, la grandeur, la beauté.
Les insurgés, ceux de Montmartre surtout que de nombreux documents décrivent, ont laissé derrière eux, dans les propos de ceux qui les ont connus et les racontent, un étrange souvenir où l’horreur, l’admiration, la tristesse, la pitié et finalement l’amitié se mêlent.
Jean Renoir, racontant l’arrestation de Courbet et le risque qu’il courut d’être fusillé, rapporte ce mot de son père au sujet des gens de la Commune : « c’était des fous, mais ils avaient cette petite flamme qui ne s’éteint pas ».
C’était des hommes, et non des brutes : tel est le sentiment qui se dégage des témoignages les plus remarquables et qui s’accordent sur cette métamorphose.
Etrangement, Zola ne fait pas partie du lot. Au moment de l’investissement de la capitale, il a quitté Paris pour Marseille, puis Bordeaux. Dans la dernière partie de son roman, il parle de la Commune, brièvement, sans aucune sympathie pour les Communards. Dans l’ébauche de son livre, il explique que le sujet sera la peinture de toute l’amitié qui peut exister entre deux hommes, Jean Macquart « personnage central » qui sera « l’âme de la France, équilibrée et brave, bien qu’attachée au sol » et l’autre, le Communard qui sera « l’autre partie de la France, les fautes, la tête en l’air, l’égoïsme vaniteux ». D’ailleurs, Montmartre y apparaît peu : le peuple hissant les canons jusqu’au sommet de la Butte « dans un élan farouche de horde barbare qui sauve ses dieux ».

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