Boulevard de Clichy, le bal de la Reine Blanche n’était jamais nettoyé sous prétexte que sa disparition était prévue avec le percement de la rue Caulaincourt. « Dieu seul sait à quelle époque sera percée la rue Caulaincourt et la Reine Blanche peut bien subsister jusqu’à la fin des siècles » l’auteur de cette phrase, un journaliste, n’avait pas tort. La rue Caulaincourt choisit un autre tracé, et ce bal exista jusqu’en 1884, date de sa faillite. Il fut question d’en faire une laiterie. Ce fut un boucher qui l’obtint, Zidler. Empruntant l’enseigne d’un bal-restaurant de l’avenue d’Antin (actuelle Franklin Roosevelt) il en fait le fameux Bal du Moulin Rouge. Un bal dont les usagers garderont un souvenir que le temps n’effacera pas. Une réputation due aux contorsions de Valentin le Désossé, et surtout aux jambes gainées de noir et aux dessous affriolant des danseuses du célèbre quadrille d’Offenbach, ce cancan né sous Louis-Philippe et dont l’établissement est le conservatoire.
A la réputation du Bal du Moulin rouge restera longtemps attaché le souvenir d’un de ses habitués, Henri de Toulouse-Lautrec qui immortalise les artistes du spectacle comme Jane Avril, célèbre sous le sobriquet de « la Mélinite », la Goulue, enlevée en 1891 de l’Elysée –Montmartre, Yvette Guilbert. Les délices des amateurs de chahut désordonnés résultaient des activités des servantes de Terpsichore, dont les surnoms avaient le goût des bas-fonds : Grille d’Egout, baptisée par Rochefort pour ses dents en créneaux, Rayon d’Or, la Môme Fromage, la Sauterelle, Nini Patte-en-l’air et encore Demi-Siphon, Cha-Hu-Kao, Cléopâtre, Camélia, dite « Trompe-la-mort », la glu, Cri-Cri, morte en faisant le grand écart, Vol-au-Vent, Tonkin et Caca, inimitables pour faire voler d’un coup de pied le chapeau de leurs partenaires masculins.
Le public du Moulin danse aussi dans la salle, et les femmes exhibent alors des dessous de tous les jours, sans fanfreluches, ou même pas de dessous du tout.
Incendié en 1915, le Moulin Rouge, reconstruit en 1921 sous forme de cabaret-music-hall, voit la population de la Butte venir assister le jour de l’inauguration au Bal révolutionnaire, une revue de Firmin Gélier. C’est un « grand déploiement de guillotines, de piques, de bonnets phrygiens et de jolies femmes manifestement sans culotte ». Le spectacle suggère à Forain, Willette, Poulbot, Neumont et Joe Bridge, la fondation de la République de Montmartre.
Dans le royaume du music-hall, et des variétés, bien des nouveautés débutent au Moulin Rouge. Suivant l’exemple des John Tiller’s Girls, surgissent toujours habillés, les girls, filles du Sport et de la Beauté. Au Moulin Rouge apparaissent pour la première fois sur scènes de jolies filles « complètement dévêtues, sans l’ombre d’un maillot. Il est vrai que cette vision est rapide ». C’est au Moulin Rouge que Max Dearly conçoit et danse avec Mistinguett la Valse chaloupée. Il y met tant d’ardeur que sa partenaire retrouve sa loge couverte de bleus. Sur cette même scène, la Mis et Maurice Chevalier remporte un triomphe avec la Valse renversante.
Au Moulin Rouge la danse portée est inaugurée par Janine Autrey et un machiniste qui n’était autre que Robert Quinault, l’auteur du sketch. Ici débuteront encore Henri Galat, Jean Gabin, et Mouloudji.
Bientôt les ailes immobilisées ne serviront plus que d’enseigne à un cinéma.
Le bal du Moulin rouge ne rouvre à ses côtés que le 21 juin 1951 avec Jo France, tenancier du Balajo, rue de Lappe. En 1955, Bauchet, le porteur de la chanteuse Odette Moulin –qui chante la tête en bas- le reprend et le cède à Jacki Clérico en 1962, après avoir inauguré deux ans plus tôt les diners-spectacles avec la Revue Japonaise. Il devient le continuateur de la tradition d’un cancan de haute réputation, celui du dîner à grand spectacle, survivance du music-hall alliée à la féerie des paillettes sur des corps de danseuses magnifiques. Lisette Malidor, ancienne ouvreuse échappée du Casino de Paris où Roland Petit lui apprit son art, y a triomphé au cœur d’une merveilleuse équipe
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