Créé pendant la Restauration, le Moulin de la Galette gardera, à toutes époques, des caractères différents de ceux des bals du bas de Montmartre, une fidélité à ses habitudes, à des images, qui s’explique par l’éloignement, l’altitude, par certaines traditions locales de plaisir, par la présence et la vigilance de la jeunesse du vieux Montmartre, née dans les rues voisines, unie par des liens de camaraderie et n’hésitant pas à défendre ses droits, c’est à dire, aussi ses filles
Le bal n’est pas tellement différent de ce qu’il était vingt-cinq ans plus tôt, à l’époque où Renoir peignait son grand tableau; c’est toujours le même petit monde d’arpètes, souvent chaperonnées par leur mère, d’ouvriers, d’artisans, d’employés auxquels se mêlent quelques artistes à la recherche d’un modèle bénévole autant que d’une bonne fortune. On a conservé le nom des danseuses qui posèrent pour Renoir : Estelle est assise sur le banc au premier plan, Margot danse au centre avec un peintre cubain. Des camarades de Renoir, Rivière, Lestinguey, Gervex sont à la table de bois, sur des chaises de cabaret et boivent dans de gros verres. Le mobilier, on le voit est resté assez rustique : seuls les grands lustres à gaz entre les arbres pouvaient donner une atmosphère de luxe clinquant. On peut danser tout l’après-midi pour quatre sous. Quadrilles, polkas, valses se succèdent sans interruption. L’orchestre tonitruant, à base de cuivre, fait un bruit infernal. Le dimanche, surtout, les danseurs s’en donnent à cœur joie de trois heures à vingt-trois heures, soulevant un âcre nuage de poussière du parquet martelé par leurs pieds. Rien d’autre que l’amour de la danse ne semble animer les jeunes gens. Francis Jourdain et Severini se rencontrent dans leurs souvenirs pour l’affirmer : « les danseurs s’amusaient pour de bon, écrit Jourdain, dansant avec un entrain parfaitement désintéressé, ce qui créait une agréable atmosphère de naturel et de gaieté »
Et Severini ajoute : « c’était tellement Montmartre et tellement plein d’une vie intense et toute spéciale qu’il fallait absolument connaître. Il était fréquenté par une quantité de jeunes filles, généralement petites ouvrières aux premiers sacrifices de leur vertu, avec leurs jeunes amis qui rarement étaient des artistes, toutefois ceux-ci y venaient aussi car ils avaient toujours des billets gratuits dans un bar au bas de la rue Ravignan. »
En semaine, il faut le préciser, l’atmosphère du bal changeait radicalement. La clientèle d’employés et d’ouvriers était remplacée par une faune douteuse, particulièrement le lundi, montée de Barbès et de la Goutte d’Or. Ces jours-là, marlous, gigolettes, femmes de maisons en congé étaient maîtres de la place, et les choses se terminaient parfois mal. Gen Paul racontait qu’enfant, il avait assisté à des batailles rangées « d’apaches » à la sortie du bal.
Ce qui marquait bien la différence, c’est que ces jours-là, on acceptait les femmes « en cheveux », chose strictement interdite le dimanche. Pour être admises, les danseuses devaient porter un chapeau, symbole de la décence et de respectabilité. Les hommes aussi, d’ailleurs, dansaient avec leur haut-de-forme ou leur canotier de paille sur la tête.
Le Moulin de la Galette était à Montmartre, plus qu’une institution, un monument historique. La salle de danse ouvrant sur la rue Lepic, était une espèce de hangar éclairé par le toit. Sa décoration se composait essentiellement de treillis de jardin peint en vert. Elle s’élevait du côté du Blute fin, l’un des derniers moulins de la Butte, devenu attraction payante : 25 centimes l’entrée.
Depuis, le vieux moulin a traversé des jours de déchéance. Progressivement déserté par les danseurs, il a connu bien des avatars. Après la dernière guerre, son état de délabrement obligea à fermer le bal. La salle, utilisée un moment par l’O.R.T.F., comme studio d’enregistrement, fut finalement abandonnée à son lent pourrissement. Ce paradis de la gambille va renaître : les bâtiments annexes, rasés, vont céder la place à des immeubles bas, édifiés en respectant le caractère des anciennes constructions. On aura beau faire, ce ne sera plus la même chose, et l’on ne verra plus le dimanche le gentil monde de la Butte venir « en suer une » en buvant des diabolo-menthe. Les bâtiments constitueront « un ensemble résidentiel de haut standing ».
Pour célébrer le succès de L’assommoir, une fête a eu lieu en 1874 au Moulin de la Galette que Renoir allait peindre. Tous les invités appartenaient aux milieux littéraires et théâtraux. Ils devaient y venir vêtus en ouvriers ou en filles des rues.
Le moulin de la Galette est actuellement la propriété de la famille Debray. Il a conservé intact son mécanisme intérieur et la petite habitation aménagée dans son pied en maçonnerie. Mais il n'est pas classé! Pierre Auguste Renoir a peint en 1876 "Le bal du moulin de la Galette". Il est le seul tableau qui "illustre de façon aussi claire les objectifs de l'impressionnisme". Le bonheur, dans sa plus simple expression, fait de joie et de beauté imprègne l’œuvre. Jeux de lumières et de mouvements, ce tableau précède celui de Van Gogh en 1887 avec "Les jardins de la Butte Montmartre". En toile de fond, les moulins mettent en avant leur souveraineté sur la butte.
Des trois deniers moulins, deux sont encore visibles celui de la Galette est le plus ancien. Chronologiquement, c’est le second construit. en 1622. Il ne manque pas de dénominations : moulin du Palais, baptême qu’il abandonne en 1640 au profit du cinquième moulin : Point de Vue, Blute-à-fin, blute-fin. En 1850, le moulin du Point-de-Vue, c’est encore lui. Il reprendra à son voisin le Radet le nom de moulin de la Galette. Sur une terre cédée à son fils par Marin Guignard, propriétaire du moulin Vieux, il est construit, en 1622, cinquante-cinq mètres plus loin (d’axe en axe) par Denys Guignard, nouvellement marié avec Jeanne Le Moyne.
En 1626, une empoignade se termine mal et Denis doit payer les frais médicaux. Au bout de deux ans, couvert de dettes, il vend, engage un procès contre son acquéreur, Robert Jacquet, le perd. Après la mort de l’acquéreur, le moulin est confié à Rémy Josselet qui fait tourner la tête de la veuve Jacquet, Michèle Hervieux, qu’il épouse en 1634. Josselet, endetté, est poursuivi par le boulanger Jehan Fauvet, gros créancier, lequel fait saisir le moulin et emprisonner le meunier.
Au Châtelet, Claude Le Tonnelier, huissier, flaire la bonne affaire. Il s’acoquine avec Nicolas Le Tellier, rembourse les dettes et, en 1636, Nicolas engage un meunier auquel succèdent, avant 1678, Jacques Fauvet et Ursula Rebon, son épouse. Ce sera le début de la dynastie Fauvet.
En 1707, Nicolas Le Tellier est mort depuis trente ans. Un bourgeois de Paris devient propriétaire et loue le moulin à François Chapon, meunier, qui fera construire le Radet. Deux ans plus tard, changement de possesseur avec le meunier des Batignolles, Nicolas Ménesier qui construira le moulin des Prés. A sa mort, en 1740, son fils Jacques lui succède. Possédant quatre moulins, il se domicilie aux Batignolles, prend sa retraite et se noie mystérieusement en 1769. Son fils prend la suite. Il acquiert le Radet, s’y installe et loue le Bout-à-fin à Pierre-Charles Debray, dès 1787. En 1809, Nicolas-Charles Debray, petit-fils, rachète le Blute-à-fin et en 1812, le Radet pour peu d’argent, en raison de la vétusté et des risques de fontis. A côté du Blute-à-fin, il établit un commerce de vins : la ferme Debray.
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